Santiago, la suite

Nous découvrons Santiago durant toute la semaine. Nous nous sommes garés dans le quartier de Providencia, dans une petite rue calme où se succèdent des maisons plutôt cossues. Le choix du stationnement est important à deux points de vue: il doit avoir l’ait sûr dans la journée lorsque nous laissons le camping-car pour visiter la ville et adapté pour la nuit c’est à dire avec le moins de risque de bruit ou de désagréables voisinages… Nous sommes très bien tombés pour les deux critères! Nous passons une très agréable soirée avec Marcela et Jorge, devant chez qui nous habitons cette semaine. Ils sont tous les deux architectes. Ils ont trois enfants, deux garçons et une fille. Merci à eux pour leur accueil! Nous avons même pu le lendemain utiliser leur machine à laver le linge, ce qui était grandement nécessaire! Quelques jours plus tard, nous faisons la connaissance de Juan, un autre habitant de la rue qui nous dépannera en eau et en wifi. Nous avons aussi le plaisir de voir dans les rue de Santiago Serena et Alejandro, tous les deux Espagnols, qui parcourent le monde pendant deux ans et que nous avions déjà croisé aux Torres del Paine et à El Chalten. Très agréable rencontre également, celle de Gentiane et Pierre. Gentiane est une cousine éloignée de Lionel et ils vivent depuis 4 ans à Santiago. Grâce à Gentiane, nous avons été prévenu du tremblement de terre qui a eu lieu dans le Nord du Chili! Quelques jours plus tard, nous allons faire quant à nous une expérience singulière: un soir, alors que nous étions dans le camping car, les enfants couchés (moi sur le point), nous avons eu l’impression pendant quelques secondes qu’on nous volait en direct une de nos roues tant le camping-car tanguait de droite à gauche… Lionel bondit tel un loup protégeant son territoire, ouvre la porte et fait le tour du camping-car : rien, personne dans la rue… « Mais qu’est-ce que….???? » Et oui, on a vite compris que nous venions de vivre notre première secousse sismique!!! Ca fait drôle!!! Gentiane nous le confirme le lendemain et tous les Chiliens à qui nous posons la question. Mais vraiment, ça ne les impressionne pas plus que ça! ils ont clairement l’habitude!! Après recherche, il s’avère cette secousse était de 5.1 sur l’échelle de Richter…. Non, papa, vraiment, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, foi de Chilien.

Et notre Anna, que pense-t-elle de Santiago? « J’ai aimé rencontrer cette gentille famille en face de nous, j’ai aimé rester au même endroit à Santiago, j’ai aimé me promener avec les Français que nous avons croisé au Cerro San Cristobal, j’ai aimé marcher dans la ville et j’ai aimé les statues du musée d’art pré-colombien »

Il y a 42 ans, Pinochet renversait Allende

En septembre 1973, le coup d’Etat de Pinochet contre le gouvernement d’Allende instaure une dictature qui durera 17 ans. Sous prétexte de barrer la route au communisme, Pinochet supprime la démocratie.

Concrètement, des personnes avec de fausses identités arrivaient avec des voitures sans immatriculation, entraient dans les domiciles, prenaient la personne, l’emportaient sans jamais dire où. Dans la sinistre Villa Grimaldi, une pièce appelée « la cuisine » était utilisée pour torturer des personnes : dans un coin, se trouvait le « grill », en fait un sommier en métal où on couchait les gens pour leur appliquer des electrodes en divers endroits du corps.

Dès le début, des organisations humanitaires chiliennes ont recueillies des informations sur les personnes disparues, torturées ou exécutées, mais aucunes actions en justice n’ont abouties.

En 1996, le procureur espagnol Castresana trouve un texte de loi qui permet à la justice espagnole d’intervenir dans n’importe quel pays du monde où serait pratiqué le génocide, la torture ou le terrorisme. Il décide alors d’instruire une plainte contre Pinochet. Les faits de 35 tortures sont suffisants pour faire l’objet d’une poursuite universelle.

En 1998 Pinochet est arrêté à Londres sur la demande du juge espagnol Garzon. Pour éviter l’extradition en Espagne, il nie sa responsabilité dans les crimes et rejette la culpabilité sur ses subordonnés. L’Angleterre analyse les preuves et annonce l’extradition de Pinochet.
L’espoir d’un procès bouleverse les victimes au Chili et dans le monde entier.
A quelques jours de son extradition, le ministre anglais de l’intérieur annonce son intention de ne pas extrader Pinochet qu’il considère comme gâteux et accorde sa libération. C’est le sommet : alors que l’affaire est réglée sur le plan judiciaire, les politiques rentrent en scène et disent aux tribunaux : c’est bon les gars, allez voir ailleurs, on va s’arranger entre nous pour que ce monsieur puisse rentrer chez lui sans être jugé ».
Le retour de Pinochet au Chili a mis en avant une évidence terrible : le maintient des institutions de la dictature avec des réformes qui n’en ont jamais modifié l’essence. A Santiago, des groupes de jeunes lancent des actions pour dénoncer les ex-tortionnaires, des professionnels de la répression encore en place à des postes de responsabilité.

En 2001, 5 ans après le début de la procédure lancée en Espagne, Pinochet est finalement arrêté et inculpé au Chili. C’est à ce moment que la première statue d’Allende est érigée à Santiago, devant le ministère de la Justice.

S’il n’y a pas eu de procès pour juger les responsables, la mémoire en revanche fait petit-à-petit le procès historique. De Pinochet mais aussi de tous ceux qui ont torturé, de tous les civils qui ont soutenus et continuent à le défendre, de tous ceux qui sont encore aujourd’hui en position de pouvoir.

PS : pour en savoir plus sur le sujet, je vous recommande les 5h de documentaire « La bataille du Chili » par Patricio Guzman qui retrace la chute du gouvernement Allende.

Et nous voilà à Santiago du Chili

Nous sommes garés dans une rue calme d’un quartier résidentiel de la capitale chilienne. Dès le premier soir, le contact a été établi avec la famille chilienne qui habite en face de nous. La petite fille de la famille, Clara, 8 ans, était impatiente de nous voir (et Anna impatiente de son côté aussi). Notre rencontre est d’autant plus amusante qu’il y a visiblement en ce moment au Chili un dessin animé qui passe à la télévision et qui raconte les aventures d’une famille chilienne en camping-car…
Le lendemain, première journée d’exploration de la capitale chilienne. Nous passons un long moment au 38 de la rue Londres, tristement connue pour le rôle qu’elle a joué pendant la dictature de Pinochet. C’est à cette adresse que près de deux mille chiliens opposants au régime ont été emmenés par la police secrète de Pinochet. La torture y était monnaie courante et près de cent d’entre eux y sont morts ou ont disparu. Cette maison est aujourd’hui un monument national et se veut un lieu de mémoire. Nous avons pu discuter longuement avec Leopoldo Montenegro, dont la mission est d’accueillir le public. Grâce à lui, nous avons pu mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette terrible période ainsi que les conséquences qu’elle a eu et a encore sur la société chilienne. Un immense travail de mémoire est en marche. Très intéressant.
La journée se poursuit avec différentes haltes dans des quartiers de la ville, déjeuner dans un petit restau, pause dans un parc,… C’est l’automne mais il fait incroyablement doux, c’est très agréable.